Récemment, le Tchad et la Guinée Équatoriale ont signé un accord ambitieux pour permettre aux marchandises destinées au Tchad de transiter par le port guinéen au lieu du traditionnel corridor Cameroun-Tchad. Une décision qui fait déjà débat, car elle touche de près les importateurs et exportateurs tchadiens. Ces derniers risquent-ils de devenir les facteurs clés du succès ou de l’échec de cet accord ?
Pourquoi cet accord divise les acteurs économiques ?
D’un côté, le Tchad, dans une volonté politique affirmée de diversifier ses corridors de transport, espère améliorer la sécurité et la flexibilité de son commerce international. De l’autre côté, les importateurs et exportateurs tchadiens sont confrontés à de nouveaux défis logistiques qui pourraient compromettre accord la rentabilité de ce nouvel.
Avantages pour les Tchadiens :
1. Diversification des routes commerciales : Moins de dépendance vis-à-vis du Cameroun, et donc moins de risques en cas de tensions ou de blocages sur ce corridor.
2. Sécurisation des flux commerciaux : Le port de la Guinée Équatoriale est mieux équipé pour gérer des volumes importants, offrant ainsi des options supplémentaires aux commerçants.
3. Possibilités de coûts compétitifs : Des négociations pourraient permettre de baisser les coûts de transport, mais à condition que les infrastructures guinéennes soient à la hauteur.
Les défis à surmonter :
1. Multiplication des frontières et formalités : Traverser plusieurs pays signifie des délais rallongés, des frais de douanes supplémentaires, et une complexité administrative accrue. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la compétitivité des produits.
2. Risque d’infrastructures congestionnées : Les ports et routes en Guinée équatoriale sont loin d’être préparés à gérer un afflux massif de marchandises, et des retards imprévus pourraient survenir.
3. Coûts logistiques supplémentaires : Le passage par plusieurs pays implique des frais de transport supplémentaires, notamment en raison de la gestion de plusieurs points de transit.
Ce que le Cameroun risque de perdre :
Si cet accord est perçu comme une alternative viable, il pourrait affecter sérieusement les recettes douanières et les activités portuaires du Cameroun 🇨🇲, qui a historiquement servi de plateforme de transit pour le Tchad. En 2022, le Cameroun a généré environ 150 milliards de FCFA de recettes douanières provenant du commerce avec le Tchad. Avec un transfert de 10 à 20 % du volume vers la Guinée équatoriale, ce sont 30 milliards de FCFA qui risquent d’être perdus chaque année.

Chiffres à l’appui :
1. En 2023, le port de Douala a traité 10 millions de tonnes de marchandises. Si une partie de ce volume se détourne vers la Guinée, le Cameroun pourrait perdre 1 million de tonnes de transit chaque année.
2. Les entreprises de transport terrestre pourraient voir une diminution de 30 000 tonnes de volume par an entre Douala et N’Djamena.
Les importateurs et exportateurs tchadiens : L’avenir de cet accord entre leurs mains ?
Les importateurs et exportateurs du Tchad devront faire face à une série de décisions cruciales pour faire de ce nouvel accord un véritable succès. Seront-ils prêts à accepter les coûts supplémentaires, les risques de délais et les formalités accrues ? Ou choisiront-ils de maintenir leur route habituelle, en dépit de l’aspect politique de l’accord ?
La clé du succès : Le Cameroun doit réagir !
Pour éviter de perdre sa place stratégique, le Cameroun doit améliorer ses infrastructures logistiques (ports, routes, douanes), optimiser le temps de transit et réduire les coûts. Sans cela, il risque de voir son rôle de hub régional affaibli, ce qui pourrait nuire à ses revenus économiques à long terme.
Conclusion :
L’accord entre le Tchad et la Guinée Équatoriale pourrait bien redéfinir les routes commerciales en Afrique centrale. Mais les importateurs et exportateurs tchadiens seront au cœur de cette transition. Leur réaction face aux défis du nouvel accord déterminera en grande partie son succès ou son échec. Ce n’est pas seulement une question de politique, mais aussi de rentabilité économique et de réponse logistique.
Aliou Ibrahima Spécialiste des Solutions des Transports & Expert en Logistique Portuaire et Aéroportuaire