Le gouvernement dévoile son Plan Marshall
L’ampleur des discours de haine dans l’espace public prend de proportions inquiétantes au Cameroun. C’est ce qui se dégage de la conférence de presse conjointe donnée ce mercredi 17 mai 2023 à Yaoundé dans la salle auditorium du ministère de la Communication (MINCOM). Pour adresser cette problématique, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi avait à ses cotés le président de la Commission nationale de la promotion du bilingue et du multiculturalisme (CNPBM), l’ancien Premier ministre Peter Mafany Musonge et le ministre de l’Administration territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji.
La sensibilisation par l’éducation
Dans son propos liminaire, René Emmanuel Sadi a souligné qu’un plan de communication et d’éducation à la citoyenneté sera bientôt mis à disposition. Ce sera d’abord dans les médias, ensuite hors médias et enfin dans les programmes scolaires. «Le gouvernement entend dans un premier temps, sensibiliser la Nation toute entière par des actions d’éducation et de communication qui s’inscriront dans le cadre d’un plan national d’éducation et de formation à la culture citoyenne», a-t-annoncé, ajoutant que «la lutte contre les discours de haine doit être perçue comme une priorité absolue pour la sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que la préservation des valeurs de paix, d’unité et du vivre-ensemble».
Mais la gravité de la situation appelle aussi le recours à la répression pour contraindre les contrevenants à répondre de leurs actes. A cet égard, le MINCOM a rappelé les dispositions pertinentes de la loi qui punissent les auteurs de discours haineux. «Est puni d’un emprisonnement d’un à deux ans et d’une amende de 300 000 à 3 millions de francs CFA celui qui, par quelque moyen que ce soit, tient des discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique», a-t-il indiqué, évoquant l’article 241 du Code pénal.
Place à la répression
Abondant dans le même sens, le ministre de l’Administration territoriale a souligné d’entrée de jeu que «le discours de haine est une grave menace à l’unité nationale si chère au président de la République. Faire l’apologie du terrorisme, du tribalisme et de la xénophobie, c’est extrêmement dangereux». Au terme de la vaste campagne de sensibilisation et d’éducation annoncée au cours de la dernière sortie gouvernementale, Yaoundé entend passer à la phase répressive conformément aux lois en vigueur.
Paul Atanga Nji a particulièrement interpellé les journalistes sur les menaces que laissent planer les discours haineux et autres violences sur le vivre ensemble, l’intégrité et l’unité nationales. Pour le MINAT, «chaque camerounais est partout chez lui et doit vivre dans la quiétude». A cet égard, le patron de l’administration préfectorale a appelé au respect «des mécanismes mises en place pour promouvoir la paix, la cohésion nationale et la cohabitation pacifique entre les composantes sociologiques du Cameroun»
L’engagement de la CNPBM
Paul Atanga Nji a par ailleurs dénoncé l’apologie «du tribalisme, de la xénophobie, la stigmatisation, la discrimination, l’opposition systématique et la division». Des pratiques et usages qui «doivent s’estomper» a-t-il martelé, avant d’inviter les auteurs à «éviter de dresser des Camerounais les uns d’autres Camerounais». La course contre ses attitudes déviantes est lancée et pour le ministre de l’administration territoriale, estimant que le temps de l’éducation et de la sensibilisation des masses est passé. Il a notamment invité les initiateurs des discours haineux et tribalistes à «prendre la bonne route» et à se «raviser au respect de l’État de droit». Le cas échéant, ces derniers «seront face à leurs responsabilités et connaîtront la rudesse de la loi», a prévenu Paul Atanga Nji.
Dans les médias classiques et numériques, les pratiques de discours de haine sont légions. «Les acteurs de la société civile, les intellectuels, les hommes politiques, les activistes de tous ordres, les lanceurs d’alerte et autres influenceurs comptent, il faut le relever, parmi ceux qui alimentent et entretiennent ce climat malsain et déplorable», relève le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement pour le déplorer. Fort de ce constat, le président de la CNPBM, appelle à l’intensification des actions de sensibilisation engagées depuis quelques années. «Pour réduire les discours de haine au Cameroun, nous devons accentuer la sensibilisation et l’éducation du grand public», a déclaré l’ancien Premier ministre, Peter Mafany Musonge.
Rappelons que cette sortie gouvernementale s’est tenue en prélude à la célébration de la 51e édition de la Fête Nationale de l’unité au Cameroun, dont la clou des manifestations aura été la grande parade militaire et civile présidée le 20 mai dernier au Boulevard de l’Unité par le président de la République, chef de l’Etat, devant l’ensemble des corps constitués nationaux, le corps diplomatique accrédité au Cameroun et de nombreux invités spéciaux, dont le ministre comorien de la Défense et un détachement de la compagnie musique de l’armée égyptienne en guets star.
Pélagie Mabamb